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Réflexions liturgiques et théologiques

samedi 23 mars 2013


Entrée du Christ à Jérusalem.

Les dernières semaines de la vie publique du Christ sont sous-tendues par la volonté de Notre Seigneur de monter à Jérusalem. Ses disciples veulent l'en dissuader car les autorités religieuses de Jérusalem cherchent à l'éliminer. Jésus tentera à plusieurs reprises, mais en vain semble-t-il, de leur expliquer cette nécessité. Ces dernières semaines vont s'articuler autour d'actes très forts, tant symboliquement que politiquement, que Notre Seigneur va poser. Il s'agit de l'Onction de Béthanie, de la résurrection de Lazare et de l'entrée à Jérusalem. Si nous voulons comprendre un peu ce qui va se passer dans les jours qui vont suivre l'entrée triomphale de Jésus, nous ne pouvons pas dissocier ces trois temps forts.
Pour nous, chrétiens modernes du XXIe siècle, la fête des rameaux s’éclaire par la passion la crucifixion et la résurrection de Notre Seigneur. Il s'agit d'une entrée festive que la revue « Le Pèlerin » du 21 mars 2013 définit comme « une joyeuse pagaille improvisée, un ânon réquisitionné, une foule manipulable à souhait, composé de braillards illuminés agitant des palmes cueillies en urgence, une voie faite de manteaux et de tissus bigarrés et des disciples qui marchent en  arrière de leur héros ». Oui le seigneur est accueilli par une foule immense, entouré des 12 apôtres et certainement des 120 disciples qui l'accompagnent habituellement. Nous savons que la foule est versatile et que lors du procès de Jésus personne ne viendra le défendre ou le soutenir, à l'exception de Jean qui restera muet et de Pierre qui le reniera. Dans nos homélies, nous répétons qu'il n'est pas seulement le roi d'Israël, mais le Roi de toute la création qui vient combattre la mort, verser son sang, et par là même racheter nos péchés. Nous rappelons également que nous sommes comme cette foule, où les enfants acclament le Christ, où les femmes et les hommes mettent leurs manteaux par terre pendant que complotent les « princes du peuple ». Nous sommes tous, nous pauvres mortels, aussi enthousiastes et exaltés que cette  foule, mais aussi trop souvent versatiles. Comme les juifs de Jérusalem nous suivons bien souvent le Seigneur par intérêt. Mais peut-être cela vaut-il la peine de le suivre, même si notre motivation n’est pas claire. Mais qu'en est-il pour les judéens de cette époque, « n’ayant pas connaissance de la suite des événements ». Quel est leur attente ? Pour répondre à ces questions il est nécessaire de retourner aux deux moments forts qui ont précédé cette entrée glorieuse. Tout d'abord l’onction que fit Marie-Madeleine sur Notre Seigneur en sa maison de Béthanie, en présence des disciples et des judéens qui suivaient, de façon plus ou moins attentive, le Christ. Elle versa sur la tête de Jésus une huile parfumée fort chère, un parfum de nard, et essuya, de sa chevelure, les pieds du Seigneur couverts d’huile. Avec le recul, nous y voyons une anticipation de l'onction funèbre du corps de Notre Seigneur Jésus-Christ au sépulcre.
Mais pour les juifs de l’époque, cela renvoyait clairement à deux actes très importants de l'histoire d'Israël :
L’onction que fit Moïse, à la demande du Seigneur, sur Aaron et ses fils qui étaient  de la tribu de Lévy tout comme Moïse. Cette onction sacerdotale est relatée dans « exode 30,22 ».
Mais également l'onction effectuée par le prophète Samuel qui verse l’Huile sanctifiée sur la tête de Saül, là aussi à la demande du Seigneur, afin de le désigner comme roi d'Israël. Samuel  le fit également sur la tête de l'enfant David (1 Sam 10,1 et 16,12-13)
Marie-Madeleine s'inscrit donc, par cet acte, dans la lignée prophétique d'Israël, et désigne par là même le Christ comme Roi et Grand Prêtre à la face de la population juive.
Cette onction fut précédée par la résurrection de Lazare en présence de nombreuses personnes de la région de Jérusalem. Pour eux le Christ révèle sa puissance, il est bien Roi, Prêtre et Prophète. La foule qui l'accueille à l'entrée de Jérusalem attend que Notre Seigneur se conduise comme le nouveau grand chef d'Israël, détrône la classe sacerdotale et chasse les Romains. Or que fait-il ? Il se dirige vers le temple pour y prier, y prêcher, et demande à ses apôtres de préparer la Pâque ! Quelle déception pour le peuple qui attendait un nouveau David !
Alors « soyons comme des enfants qui courent  à la rencontre de leur Roi sans arrière pensée »

À lui soient  le Règne, la  Puissance et la Gloire aux siècles des siècles.
Père Jean Moïse.


mercredi 20 mars 2013


La Résurrection de Lazare


Saint Jean l'évangéliste est le seul à relater cet événement qui précède de très peu l'entrée triomphale du Christ à Jérusalem. Il est intéressant de noter le contraste entre le style du prologue, texte synthétique et saisissant dans sa brillante et brève formulation, et le récit de la résurrection de Lazare où Jean prend tout son temps, comme s’il nous invitait  à nous y attarder, comme si il y avait là quelque chose qui nous concernait, et que nous avions à approfondir.

Afin d'éclairer ce texte fondamental je vous propose de partager le commentaire que fit Alexander Schmemann, paru en 1961 dans « The Christian Way » 

 « La joie qui imprègne et éclaire l'Office de Lazare met l'accent sur un thème majeur : la prochaine victoire du Christ sur l ‘Hadès. Hadès est le terme biblique pour la mort et sa puissance universelle, pour l’indéniable ténèbre qui engloutit toute vie et empoisonne le monde entier par son ombre. Mais maintenant-avec la résurrection de Lazare-la mort commence à trembler. Un duel décisif entre la Vie et la Mort commence, nous donnant la clé de tout le mystère liturgique de Pâques. Déjà au quatrième siècle, cet office était appelé « annonce de Pâques ». Car en effet, il annonce et anticipe la merveilleuse Lumière et Paix  du Grand Samedi, jour de la Tombe vivifiante.

Lazare, l'ami de Jésus, personnifie l'humanité entière et aussi chaque homme, comme Béthanie-la maison de Lazare-symbolise le monde entier-la maison de l'Homme. Car chaque homme a été créé en tant qu'ami de Dieu et appelé à Son amitié : la connaissance de Dieu, la Communion à Dieu, le partage de la vie avec Lui : « en Lui était la Vie, et la Vie était la Lumière des hommes » (Jn 1,4). Et cependant cet ami, que Jésus aime, qu'Il a créé dans l'amour, est détruit, annihilé par une puissance que Dieu n'a pas créée : la mort. Dans son propre monde, le fruit de son amour, sagesse et beauté, Dieu rencontre une puissance qui détruit Son œuvre et annihile Son premier dessein. Le monde n'est que lamentation et affliction, complainte et révolte. Comment est-ce possible ? Comment est-ce arrivé ? Telles sont les questions implicites de la narration lente et détaillée donnée par Jean de la progression de Jésus vers la tombe de Son ami. Et une fois sur place, Jésus pleura, dit l'Évangile. Pourquoi donc pleura-t’il si il savait qu'un instant plus tard, il ramènerait Lazare à la vie ?

Il pleure parce qu'il contemple l'état misérable du monde, créé par Dieu, et l'état misérable de l'homme, le roi de la Création… « Il sent déjà » disent les juifs pour tenter d'empêcher Jésus d'approcher du corps, et ce « il sent déjà » peut-être appliqué à toute la Création. Dieu est Vie, et Il a appelé l'homme à cette divine réalité de la vie, et lui, « il sent déjà ». À la tombe de Lazare, Jésus rencontre la Mort-la puissance du péché de la destruction, de la haine et du désespoir. Il rencontre l'ennemi de Dieu. Et nous qui le suivons, nous sommes à présent introduits dans le cœur même de cette heure de Jésus, l'heure qu'il a si souvent mentionnée. Les ténèbres de la Croix qui arrivent, sa nécessité, sa signification universelle, tout ça nous est donné dans le plus court verset de l'Évangile-« et Jésus pleura ».

Nous comprenons à présent que c'est parce qu'il pleura son ami Lazare et était bouleversé pour lui, qu'il avait la puissance de le ramener à la vie. La puissance de la Résurrection n'est pas une divine puissance par elle-même, mais c'est la puissance de l'amour, ou plutôt, l'amour comme puissance. Dieu est Amour, et c’est l'amour qui crée la vie ; c'est l'amour qui pleure à la tombe et c’est dès lors l'amour qui restaure la vie… Telle est la signification de ces divines larmes. Ce sont des larmes d'amour, et dès lors, en elle se trouve la puissance de la vie. L'Amour, qui est le fondement de la vie et sa source, est à nouveau à l'œuvre, recréant, rachetant, restaurant la vie enténébrée de l'homme : « Lazare, sors dehors ! » Et c'est pourquoi cette liturgie de Lazare est le véritable commencement des deux : la Croix, en tant que sacrifice d’amour suprême, et la résurrection commune, en tant que triomphe ultime de l'amour.

 La joie de tous, le Christ, La Vérité, La Lumière, La Vie, La Résurrection du monde, S'est révélée dans Sa bonté à ceux qui sont sur la terre. Il est devenu le modèle de la résurrection et donna à tous l’absolution divine. »

À vous tous frères et sœurs, bonne et sainte montée vers Jérusalem, vers le Golgotha, vers la résurrection de notre Seigneur Jésus-Christ, à Lui soit le Règne, la Puissance et la Gloire aux siècles des siècles.

Père Jean Moise.

samedi 16 mars 2013


Chers Amis,

« En vérité, en vérité, je vous le dis, si le grain de blé ne tombe en terre et ne meurt, il reste seul; s'il meurt, il porte beaucoup de fruits. Qui aime sa vie la perd et qui hait sa vie en ce monde la conservera en vie éternelle.»

Ces paroles qui contiennent tout, le Christ les prononce d'abord pour lui-même, non en vue d'une catastrophe, mais à l'Heure où Il doit être glorifié par la souffrance, la mort et la résurrection (Jn 12,24-25). Rien n'est plus fécond que cet abandon actif. C'est quand le grain de blé s'abandonne sans résistance à la terre, quand il l'épouse du dedans en acceptant pleinement l'humidité qui l'enveloppe, le froid, la ténèbre et le pourrissement, que tout entre en gestation et donne naissance à la vie! C'est une Loi profonde et incontournable inscrite dans toute la Création. Comme le grain de blé, le ver à soie se ratatine dans son cocon, il est douloureusement écorché, tout en lui se déchire et se délabre, peu à peu son ancien corps se transforme en un autre, c'est la chrysalide qui, en trois semaines, pousse vers la lumière un merveilleux papillon...

Pour l'homme, tout est parabole dans la nature, elle est une Bible ouverte qui lui révèle son propre devenir. Pourquoi est-ce comme cela, pourquoi faut-il mourir pour vivre ? Parce que le fond de l'être, le fond de toutes choses est Amour. Le secret de la vie, c'est se donner et se recevoir, meurs et deviens est son essence. Il n'y a là rien à comprendre, seulement à expérimenter. Ce n'est donc offert qu'à ceux qui prennent le Chemin. Mais à ceux-là se dévoile une joie tout-à-fait inconnue et nouvelle, qui ne fleurit jamais dans la vie extérieure. Elle est de type initiatique pour l'homme qui s'y prête et qui se laisse emmener là où il n'irait sans doute pas de son propre gré. C'est la joie des cimes, où la louange se conjugue avec la souffrance.

Le disciple du Christ est conduit jusque-là par Marie. De Marie sous la croix de son Fils, nous ne savons rien et cela restera éternellement son secret le plus personnel. Peut-être des parents peuvent-ils en pressentir quelque chose, s'ils approchent ce mystère avec leurs entrailles de père ou de mère ? Parfois il y a aussi la transparence d'une vieille icône qui laisse entrevoir l'abîme, dans le regard ou un geste... Mais seule l'expérience de chacun peut lui révéler ce qui est unique et indicible. Même les mots de l'Evangile ne font ici qu'indiquer une direction. Tant que l'homme n'a pas prononcé, avec tout son être, un «oui» inconditionnel à ce qui lui arrive, les paroles du Christ restent étrangères, extérieures, ou lui semblent contre nature

« Si quelqu'un veut venir à ma suite, qu'il renonce à lui-même et prenne sa croix, et qu'il me suive. En effet, qui veut sauver sa vie la perdra, mais qui perd sa vie à cause de moi et de l'Evangile la sauvera (Me 8,34-35). C'est la même insistance que dans le texte du grain de blé. Mais ici est affirmé clairement le motif: à cause de moi. Nous sommes devant un texte central de l'Evangile, il constitue le pivot et le secret du Chemin ascétique de l'homme. Quelle dissonance inacceptable à une époque, la nôtre, d' « affirmation de soi », de « développement personnel », « d'élargissement de la conscience », de « jonction cosmique » et de tous les mouvements « d'éveil du potentiel humain »... !

Dans l'Evangile, de quoi s'agit-il ? D'un choix unique et exclusif du Christ. Vivre c'est Lui. Et le seul moyen pour vivre en Lui, c'est de se renier soi-même. Dans son quotidien, l'homme, même s'il a une religion, vit comme si le Christ n'existait pas, il a d'autres choix, l'axe de son désir est ailleurs, toute sa vie dit avec Pierre : Je ne connais pas cet homme ! (Mt 26,74). Ne se reniant pas lui-même, Pierre renie le Christ. En voulant sauver sa vie, il la perd. Dans le texte original grec, c'est le même verbe «renier» qui revient constamment dans des passages différents, qu'il s'agisse de renier le Christ ou de se renier soi-même. L'Evangile marque donc une alternance voulue : ou se renier soi-même ou renier le Christ, on ne peut dire oui à l'un sans dire non à l'autre, car la chair, en ses désirs, s'oppose à l'Esprit et l'Esprit à la chair; entre eux, c'est l'antagonisme (Ga 5,17).

Où est le fondement de ma vie: est-ce mon «moi» ou le Christ ? Pour qui et pour quoi est-ce que je vis? Cette question du Christ à la conscience de l'homme a suscité l'ère des martyrs, qui est la base normative de notre foi. Le martyr est poussé par les circonstances ponctuelles dans l'alternative d'un choix décisif: ou se renier soi-même ou renier le Christ. Aussi, ceux qui sont descendus dans l'arène, l'ont-ils fait en chantant, prémices d'une plénitude de joie en marche. Mais si le martyr est la norme du christianisme, ce choix s'impose à chacun d'entre nous, et même à chaque instant au fil des jours.
Car la vie vaut ce que vaut l'instant, et l'instant ne vaut que par la joie qu'il contient, mais la joie, elle, n'existe que par le Christ, source divine de toute joie. Le « moi » est un puits sans fond de besoins et de passions, son appât est le plaisir sans joie et sans vie; au bout de ce choix-là il n'y a que le néant et la mort...

On comprend alors que chaque «non» dit à soi-même par amour est un oui dit au Christ. Et de cette attitude, chaque moment nous en offre la grâce : dans le confort et les facilités de notre société de « consommation », la pornographie et la violence de la télévision, dans la façon de boire et de manger, dans la concupiscence des relations, dans les pensées et fantasmes multiples et finalement dans l'orientation profonde de notre coeur... L'exercice du reniement de soi peut être constant ! Mais ce qui importe n'est pas de se renier, c'est de lier notre sort à celui du Christ.
Dans cet esprit, lier notre sort à celui du Christ, nous vous souhaitons une belle Semaine Sainte et une lumineuse Résurrection !

Avec toute notre affection, à bientôt !

Père Alphonse et Rachel


mardi 29 janvier 2013


Autour des Templiers

            A l'approche de l'année 2014, nous verrons de plus en plus fleurir de la littérature autour de l'exécution du grand maître de l'Ordre du Temple. Cela ira du plus sérieux au plus délirant, toutes les occasions étant bonnes pour se mettre en avant! Effectivement nous fêterons le 700 ème anniversaire de la mort stupide et scandaleuse des derniers dignitaires de l'ordre, exécutés par un pouvoir capétien ayant perdu son enracinement et sa dignité au profit du « tout est bon pour réussir et pour s'enrichir ». Le roi Philippe le Bel et ses conseillers ayant oublié le magnifique testament de Saint-Louis le neuvième du nom. Le besoin de remplir des caisses vidées par une politique irresponsable a amené ce roi et ses conseillers à faire n'importent quoi! L'élimination, O combien intéressée, des Templiers a suivi toute une stratégie indigne d'un grand monarque. Déjà en 1302, après la déconfiture de Courtrai le roi avait eu recours à l'altération des monnaies ce qui faisait de lui un véritable escroc. Cela avait été suivi par l'expulsion des banquiers Lombards puis par celle des juifs du Languedoc après, bien évidemment, avoir confisqué leurs biens, et redorer ainsi le trésor royal. Afin de sauver  son "image de marque" le conseil du roi pratiquait toujours de la même façon : salir le plus possible ce qu'ils voulaient abattre, telle était sa méthode, et cela réussissait malheureusement trop bien.
            Il est important de rappeler que l'Ordre du Temple n'était qu'un ordre chevaleresque parmi d'autres, qui se feront concurrence, mais collaboront aussi très souvent ensemble. Ils sont les purs produits de la réforme grégorienne qui avait pour but de réformer l'Eglise et de la soustraire à l'emprise néfaste des laïques, mais également de s'opposer de façon légale à la violence chevaleresque. La création d'ordres militaires religieux offrait ainsi aux chevaliers occidentaux, plus ou moins disciplinés, une ascèse propre "comparable à l'ascèse monastique", tout en leur permettant de continuer à combattre dans le monde, en suivant bien évidemment la voie droite fixée par une règle religieuse. La violence chevaleresque est littéralement ré-orientée vers ce que Saint Augustin a appelé une "guerre juste", ce qu'était la croisade d'après le pape Urbain II. L'Ordre du Temple et l'Ordre de Saint-Jean l'hospitalier étaient internationaux à l'origine. Progressivement ils donneront naissance à des ordres nationaux tels que les "Porte-Glaives", les "chevaliers teutoniques", l'ordre de "Saint Georges", etc.
            Tous les ordres ne furent pas créés lors des premières croisades. Par contre c'est à cette époque qu'ils furent militarisés. Peu connus  avant les croisades, ces ordres anciens étaient essentiellement hospitaliers et installés au Moyen-Orient. On peut citer un ordre occidental qui était plus ou moins confidentiel : l'ordre d'Amus, qui aurait été créé en 804 à Toulouse. Au Moyen-Orient, dès 648, Jean de Chypre préside à la naissance de l'ordre militaire et hospitalier de Saint Lazare de Jérusalem. Mais selon « la belle histoire » cet ordre spécialisé dans la prise en charge des lépreux est selon Louis XIV" le plus ancien ordre de la chrétienté", et  pour certains son origine est même pré- chrétienne : il aurait été créé par Jean Hyrcan (134 – 104 avant J-C). Ce fils de Simon Macchabée, qui était grand prêtre et prince du peuple juif, aurait utilisé l'argent qu'il avait retiré du tombeau de David pour financer ce la création d'un hôpital qui soignait les lépreux de Jérusalem!

            Père Jean Moise.

lundi 28 janvier 2013


LES NOCES DE QANA

            En ce début de XXIe siècle où les mariages se soldent par 70 % de divorces, il est évident que le mariage à deux, c'est l'échec garanti ! Mais au cœur de cette détresse humaine, le Messie va manifester sa gloire au sein même de cette humanité en souffrance. En ce milieu du mois de janvier, le Christ commence déjà sa mission : c'est aux noces de Cana. Fête presque inconnue en Occident, elle est pourtant d'une richesse extraordinaire! Il s'agit en effet des épousailles mystiques de Dieu avec l'humanité, c'est l'union du Christ avec l’Église, les épousailles du Créateur avec sa créature, et de Dieu avec chaque homme, avec chacun d'entre nous.

            Marie, l’Épouse avec un grand E, Marie le « reste d'Israël » comme le disent les écritures, Marie va faire ouvrir la manifestation publique de son Fils, petit détail ? Miracle insignifiant ? Marie se manifeste comme la grande médiatrice qui intercède, la Mère des Vivants, la nouvelle Ève, « Terre Mère et matrice d'une humanité nouvelle par le fait qu'elle engendre le Christ à sa vie publique et les disciples à l'attitude fondamentale : faites tout ce qu'il vous dira ! ». Oui, c'est un petit geste insignifiant du quotidien lorsque l'on dit : « remplissez ces jarres d'eau ». Mais par ce simple geste Il va verser des fleuves d'eau vive, la grâce de son Amour.

            Comme le dit le Père Pascal : « mais avant qu'elle ne soit vive, cette eau, qui symbolise notre quotidien, est incolore, inodore, sans saveur : elle est plate ! Selon l'approche qu'on en a, elle en reste là où devient matricielle, contenant le germe de toute vie, capable d'une prodigieuse transformation.                                                                                                                                               Les jarres, elles, sont au nombre de six, chiffre qui signifie également le quotidien dans la Bible, l'horizontal. Le Christ, disent les Pères de l’Église, est la septième jarre, la dimension verticale, l'éternité dans le temps, à l'intérieur même du quotidien. Et les jarres vides, symboles du vide de soi et des choses, appellent la plénitude du Christ, qui donne par sa présente profondeur à tous, jusqu'au geste le plus simple.
Par cette présence de plénitude, l'eau devient le vin qui annonce l'ivresse mystique. Le vin n'est pas comme l'eau, il a une saveur pétillante et ouvre les temps messianiques annoncés par les prophètes jusqu'aux noces éternelles. ».

            Cette absence de vin à la fin du repas peut de paraître anecdotique. Mais, pas dans le contexte du mariage hébraïque. Nous devons nous souvenir du rituel précis et immuable des fêtes juives: l'accueil se fait par  « l'ancien », ou le rabbin, qui offre la première coupe en signe de bienvenue. La célébration peut commencer autour du repas. L'ancien rompt le pain et le donne aux participants. Puis à la fin de la célébration il bénit la dernière coupe. C'est la coupe de la bénédiction, symbole de la descente de la Présence Divine, de la Shékina. Or à Cana, il n'y a plus de vin, donc pas de Bénédiction divine ! Dieu sera absent dans la vie des mariés : c'est le malheur assuré ! L'essentiel est absent ! Alors dans le vide ordinaire de ces six jarres, Jésus, Lui la septième jarre, verse sa plénitude et l'eau se transforme en vie, en vie pétillante.

            Rappelons-nous également que dans toutes les célébrations liturgiques, celles-ci comportent un rite très important lors de l'offertoire chez les Romains et lors de la préparation des saints dons chez nous des orthodoxes : c'est la mixtion de l'eau au vin dans le calice. Ce rite est nettement inspiré par l'Évangile de Saint-Jean, et il représente la transfixion du Christ au Golgotha : « un des soldats transperça avec sa lance le côté du Seigneur et il en sortit du sang et de l'eau ». La mémoire de ce fait est d'autant plus significative que la coupe du calice symbolise le cœur. La transfixion et le flux d'eau et de sang est un thème capital chez Saint-Jean qui revient dans une épître : « Jésus est celui qui est venu par l'eau et par le sang, non par l'eau seule, mais par l'eau et par le sang. Et l'Esprit est celui qui témoigne que le Christ est la Vérité. Il y en a trois qui témoignent sur terre : l'Esprit, l'Eau et le Sang, et ces trois sont d'accord ».
            La prière lors de la mixtion se rapporte implicitement au miracle des noces de Cana que seul Saint-Jean raconte : « O Dieu qui a établi d'une manière admirable la dignité de la nature humaine, et plus admirablement encore la renouveler, donne-nous selon le symbole de cette eau et de ce vin de participer à ta divinité comme tu as daigné participer à notre humanité. »

            Ce miracle signe d'avance toute la vie enseignante du Christ et le but même de son enseignement et de sa manifestation terrestre : cette transmutation de l'eau en vin est le signe de notre régénération. C'est la réintégration de notre humanité purifiée (L’eau) dans la vie enivrante de la Vie spirituelle (Le vin). C'est également la nouvelle voie offerte au premier Adam, homme déchu, qui lui permet de devenir « Fils de Dieu ».
            Comme le dit Annick de Souzenelle : « Qanah est un nom important. Il veut dire acquérir. À Qanah, par ce mariage, commence l'acquisition totale des énergies non encore accomplies que symbolise la femme in épousée...  c'est le contrepoint du meurtre que commet Qain en tuant son frère Abel et en répandant son sang sur la terre… Par ce meurtre il donne la puissance à la terre, au cosmos extérieur. A Cana, le vin extérieur vient à manquer mais le Christ apporte le vin nouveau. Il est nécessaire à la réjouissance, symbole de la jouissance dans l'acquisition du NOM.».

            Le Vin se transformera en Sang sur la croix et le Sang deviendra le Feu de la Pentecôte. Ce sont les étapes de la transfiguration totale du quotidien par l'Amour, auxquelles nous communions à chaque eucharistie. C'est la transformation radicale de notre vie : le vin nouveau fait éclater nos « vieilles outres ». Le miracle de Cana est donc la préfiguration de la Cène et de la Passion où s'accomplit la deuxième face du mystère : le vin et l'eau, qui lui est mêlé, deviennent le Sang Divin, véhicule de la Vie divine, dans la Vigne spirituelle. « Dans la matrice du tombeau, Christ célébrera les épousailles universelles, où le Fils de l'Homme ouvrira son noyau, où le nouvel Adam, versant l'eau et le sang de la blessure au côté, aura totalement accompli le nom d'Adam et deviendra le NOM qu'Il est, et qu'alors Il révélera pleinement. ».

            Puis lors de la Pentecôte, le Sang se transformera en feu, en l’Esprit de feu qui embrasera la terre, qui nous embrasera jusqu'à nos plus petits instants, jusqu'à nos plus petits recoins, pour notre salut et le salut du monde.

dimanche 27 janvier 2013


« MAICA  DOMNULUI  IN  40  DE  IPOSTAZE »

J’ai trouvé cet album d’icônes roumaines dans la bibliothèque de mon frère Alain et je le remercie de me l'avoir prêté. Son auteur, le maître Gheorghe Raducanu, est connu par ses nombreuses expositions ainsi que par les dizaines d'églises restaurées ou peintes, tant en Roumanie qu'à l'étranger, il fit, entre autres, un travail soutenu en Bucovine. Il est l'auteur de nombreuses peintures traditionnelles qui ornent nombre d'édifices de culte en Roumanie.
C'est un coloriste par vocation, nourri par les traditions du vieil art roumain, sensible surtout à la conception décorative-abstraite de l'art populaire ainsi que de la technique de peinture sur verre. C'est également un chercheur de l'art byzantin, restaurateur d’art religieux ancien, auteur de nombreuses fresques, de vitraux et mosaïques de nombre d’églises éparpillés dans toute l'Europe.
« Raducanu possède le savoir de réaliser le difficile équilibre entre le goût classique et le goût moderne, d'exprimer dans ses images toute la dignité de l'être physique et spirituel de l'homme », ainsi que l'exprime le critique d'art italien Vincenzo Galizia.
L'apparente pauvreté du langage pictural et la simplicité des formes anatomiques sont une des constantes de ce peintre. Sa technique se caractérise par des contours décantés d'une sobre beauté et d'une pureté infinie, « par les couleurs pures des habits et les ineffables décors dorés des fonds », ainsi que par le doux coloris et la transparence à la lumière. « Cette transfiguration de la lumière, recomposée dans des ombres de couleur, atteint parfois au sublime ».
Cette collection de 40 icônes de la Sainte vierge se remarque par la force de la création et par le raffinement artistique du peintre. Chaque fois la même icône nous apparaît dans une nouvelle forme pleine de fraîcheur et d'originalité où l'on remarque l'individualité toujours neuve des personnages ainsi que la densité de la création, la diversité de la couleur et de sa tonalité lyrique.
Cet album de « la Sainte Vierge en 40 hypostases » est un hymne sacré voué « à Celle pleine de grâce ». Nombre de critiques indiquent que ce peintre « réussit à poser sur les choses et sur les êtres un regard qui les transfigure, qui leur confère une transparence impalpable, illuminé par un éblouissement divin, tout en gardant une vision moderne d'un doux lyrisme ». C'est pourquoi l'Eglise Orthodoxe Roumaine considère ces créations comme des ouvrages de référence.
Si vous avez l'occasion de trouver cet album chez un bouquiniste, sur Internet, n'hésitez surtout pas à vous le procurer.

Père Jean Moïse.

mardi 8 janvier 2013


À propos de l'Avent
8 janvier 2013

En ce temps de l'Avent nos textes sont centrés sur Saint-Jean le Baptiste, le Précurseur. Il est celui qui a annoncé la venue du Seigneur, qui lui a ouvert la voie, tout comme l'avait fait Isaïe le prophète. Et nous chrétiens, l'Eglise nous demande de mettre nos pas dans les pas du Précurseur, d'annoncer sa venue et de rendre droit ses sentiers. De même que Saint-Jean le Baptiste a mené sa mission baignée par l'esprit d'Isaïe, de même nous avons à agir dans l'esprit du Précurseur.
Lors de ma lecture de Saint Mathieu (11) je me suis souvenu d'un texte de notre saint évêque Jean de Saint Denis, et bien qu'un peu long, je me permets de vous le donner dans son intégralité :
«  A la lumière de l'Évangile je parlerai de la conversion ou pénitence, du changement de l âme de l'être humain, de l'homme lorsqu'il s'approche du Christ. Mais je baserai mes paroles sur la réponse de Jésus aux disciples de Jean. Que leur dit notre seigneur ?
« Allez raconter à Jean ce que vous entendez et vous voyez : les aveugles voient, les boiteux  marchent, les lépreux sont purifiés, les sourds entendent, les morts ressuscitent, la bonne parole est annoncée au pauvres. »
Voilà les six étapes, les six marches de la conversion d'une âme, mais chacune de ces marches présente aussi la possibilité d'une chute : « heureux celui pour qui je me serai  pas une occasion de chute », dit le Christ.
L'expérience de notre vie nous montre que l'approche du Christ comporte ces épreuves, et pour les gens qui nous entourent, et pour les peuples, et pour les civilisations autant que pour notre propre âme. Combien ne parviennent pas à traverser les étapes, se scandalisant sur la route, trébuchant sur la première marche, les autres sur la seconde, les troisièmes sur les marches suivantes.
Oui, six étapes jusqu'à ce que l’âme arrive à se changer, se transformer, devenir messagère de la « Bonne Nouvelle aux pauvres », six étapes comme les six jours de la création : car il s'agit bien, en effet, d'une re- création, d'un renouveau, d'une « nouvelle naissance ».
« Les aveugles voient », c'est la première étape que l'Eglise nomme le catéchuménat. L'humanité débute par l'écoute de l'enseignement de l'Eglise, la lointaine perception de la lumière sur un tel mystère qui lui était caché jusque-là. Le premier cercle est l'enseignement, l'ouverture de la vie intellectuelle, du cœur, de l’âme, mais même cette étape n'est pas franchie immédiatement et sans secousses. Lorsque l'apôtre Paul voit la lumière, ses yeux s'ouvrent sur Dieu, tandis que ses yeux physiques perdent  la vue.
Ne voyons-nous pas l'aveugle sur les paupières duquel le Christ dépose un peu de salive recouvrer la vue progressivement ? Ainsi l’âme s’ouvre progressivement à la vision spirituelle. Pensez-vous que trouver la lumière est déjà la conversion ? Oh non ! L'occasion de chute n'est pas loin : car la deuxième étape approche.
« Les boiteux marchent » : en effet, la création nouvelle exige le dépassement de l'état d'un homme qui boite. Vous boitez, vous hésitez, vous n'êtes ni païen, ni chrétien, vous jetez un regard en arrière. Un Saint-Pierre hésite sur la manière d'agir envers les païens et envers les hébreux ; il hésite à renoncer à la circoncision, et c’est saint Paul qui est contraint de s'opposer à lui, de le pousser à dépasser circoncision et incirconcision. Si l'intellect  a compris, le comportement dans la vie peut n'avoir pas changé. La deuxième étape, pour certains, peut durer longtemps. Il y a une résistance à vaincre et rien ne marche droit. Nous avons vu, nous avons été éclairés, illuminés, mais l’être total n'a pas changé ; nous boitons et nous hésitons, nous risquons d'abandonner la première lumière qui nous fut donnée peu à peu. La lumière n'est pas perdue, mais abandonnée, trahie, quittée.
Enfin, la bonne volonté survient, l’hésitation est brisée ; la première étape nous a fait « enfants de lumière », la seconde, enfants de l'Eglise. Le Christ  nous appelle : « suivez-Moi ». Nous Le suivons, nous marchons, nous n'hésitons plus, nous agissons conformément à l'illumination.
Alors, arrive la troisième étape : le péché se découvre. C'est la lèpre. Nous la discernons chez les autres, dans la communauté, elle se révèle à nous dans l'Eglise elle-même, et en nous-mêmes. À cet instant, pouvons tomber et partir, parce que nous ne supportons pas la lèpre de l'Eglise, du prochain et de nous-mêmes. Bien qu'engagés, il nous est possible, cependant, d'abandonner par découragement ; il semble que la purification soit impossible. Ceux qui persévèrent quittent alors le monde, non pour le laisser, mais pour se retirer dans le désert et implorer la purification.
C'est lorsque nous sommes purifiés, que nous n'éprouvons plus le trouble de la lèpre, du péché du monde et de nous-mêmes, que s'élève la possibilité d'entendre la parole du Verbe. La quatrième étape de l’épreuve réside en ce qu'après avoir surmonté les trois premières, il nous faut devenir sourd, indifférent au monde ; ne plus être dispersé, distrait et savoir prêter l'oreille à la Parole.
La cinquième étape ? « Les morts ressuscitent ».
Permettez-moi de m'arrêter aux quatre premières étapes qui donnent déjà matière à penser et à réflexion sur les autres, et  sur nous-mêmes. Ne nous pressons pas de définir et de juger, considérons les épreuves et les chutes qui se présentent à chacun de nos pas, tenant compte des conversions progressives, soyons patients avec les autres, et attentifs sur nous-mêmes. Tout en prêchant « à temps et à contretemps », sachons bien distinguer les étapes les unes des autres ; mais ne nous scandalisons jamais, avançons pas à pas sur notre propre route, montons avec confiance le chemin qui nous conduit vers le Christ « notre Vie ».
Il a une sixième étape qui s'enfonce dans l'invisible, nous rapprochera encore davantage du Dieu incarné à Qui la gloire aux siècles des siècles. Amen ! »
Bon chemin dans les pas de Saint-Jean Baptiste.

                                                                                                  Père Jean-Moïse