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Réflexions liturgiques et théologiques

mercredi 6 juin 2012

A propos de la Sainte Trinité

Il y a une semaine nous avons fait mémoire de la descente de l'Esprit de Vérité sur Marie et les saints apôtres, et par là même sur tout les baptisés en Christ. Cette sainte Pentecôte ouvre le temps du millénium de l'Esprit comme le dit l'apocalypse. Pour nous la révélation de l'Évangile commence le jour où l'ange Gabriel dit à Marie : « l'Esprit Saint viendra sur vous, et la vertu du très haut vous couvrira de son ombre. C'est pourquoi l'être saint qui naîtra de vous sera appelé Fils de Dieu… » Et surtout lorsque Marie répondra : « je suis la servante du Seigneur, qu'il me soit fait selon votre parole ». C'est le « fiat volontas tua ». L'Esprit Saint est à l'œuvre pendant toute la période historique de la vie de Notre Seigneur. Lors de la Visitation de Marie, sa cousine Élisabeth est remplie de l'Esprit Saint, tout comme Saint Jean le Baptiste qu'elle porte dans son sein. L'Esprit Saint descend sur le Christ lors de son baptême et l'accompagne tout au long de sa mission. À chaque fois nous avons affaire à une théophanie trinitaire que l'Eglise décrit et définit de façon dogmatique : la Nature divine s'épanouit en Trois Personnes. Ce dogme est d'une importance capitale, non seulement pour la spiritualité chrétienne, mais aussi pour la structure de l'Eglise en ce qui concerne l'ecclésiologie. Il y a là une cohérence parfaite, en sorte qu'un incroyant, ou un chrétien par habitude, peut ne rien comprendre à l'Eglise. Dire que l'Eglise a été instituée par le Christ et qu'elle est animée par le Saint Esprit ne suffit pas. Il nous faut élever notre réflexion si l'on veut un peu mieux comprendre ce qu'est l'Eglise.
Certains se demandent pourquoi le Saint Esprit fut envoyé deux fois, la première fois, après la résurrection, selon Saint-Jean (20,21-22) : « comme mon Père m'a envoyé, moi aussi je vous envoie, dit Jésus à ses disciples ; après ces paroles, il souffla sur eux, et leur dit : recevez l'Esprit Saint… ». La seconde fois lors de la Sainte Pentecôte. Une explication simpliste consiste à dire que la première fois fut partielle, en quelque sorte la préfiguration de la seconde, qui, elle, viendra en plénitude. « Certaines mauvaises langues » peuvent même avancer que lors de la première fois « cela n'a pas marché ». Nous préférons voir dans ces deux interventions les deux aspects de l'Eglise :
·         Le souffle envoyé par Jésus sur ses disciples est un acte collectif : « recevez le Saint Esprit. Les péchés seront remis à ceux à qui vous les remettrez… » Cela correspond à l'aspect sacramentel, et par la suite institutionnel voir hiérarchique de l'Eglise. Cet aspect, d'ordre sacramentel, est l'œuvre du Fils qui confère à l'Eglise sa structure essentielle, sa nature.
·         Les langues de feu, qui se divisent et se posent sur chacun des apôtres, signifie l'action personnelle du Saint Esprit sur ceux-ci, et, par extension, sur chacun des fidèles, sur chacun d'entre nous. Il s'agit ici de l'œuvre de l'Esprit Saint : la sanctification des âmes, que l'on peut appeler « aspect charismatique de l'Eglise ».
Il s'agit donc de deux aspects de l'Eglise : le premier est sacramentel et hiérarchique, le second charismatique et spirituel. On peut avancer l'hypothèse que le premier correspond à la mission du Christ et le second à la mission du Saint Esprit, et que ces deux missions correspondent au niveau de la Sainte Trinité à ce qu'on appelle les deux processions divines : la génération du Verbe et la spiration du Saint Esprit. Ainsi, « dans cette perspective admirable, l'Eglise apparaît comme la parfaite image de la Sainte Trinité ». Il est bien évident que ces deux missions sont inséparables.
La théologie chrétienne s'intéressant à l'état humain, nous pouvons voir dans le dogme trinitaire la réalisation de l'intégralité de cet état humain comme tel : être, sagesse, volonté. Je reprendrai ci-après l'analyse que fit l'abbé Stéphane dans son livre « l'ésotérisme chrétien » :
Dieu est conçu comme une Essence se présentant en trois Personnes, et chaque Personne est conçue comme une relation subsistante (autonome) distincte des deux autres Relations et s'identifiant à l'Essence divine par son caractère de subsistance : ce n'est pas un accident surajouté à l'Essence divine, mais il est, si l'on peut dire, dans la nature de l'Essence divine, de se présenter en trois Relations subsistantes. Cette conception de la divinité est donc exclusive d'un absolu qui transcenderait les trois Personnes ». C'est en cela que consiste la différence essentielle entre la Trinité et les triades des antiques religions. « C'est pour cette raison que nos théologiens ne peuvent pas concevoir qu’un hindou, par exemple, puisse atteindre l'Absolu sans passer par le «truchement », de ces trois Personnes et leur mission terrestre.… Ce que nous, orthodoxe, appelons l'économie du Fils et l'économie du Saint Esprit. Le rapport créateur-créatures est inconcevable en dehors de la Trinité et de l'Incarnation ; c'est ce qui oppose la philosophie chrétienne à la philosophie antique. Un Absolu « absolument absolu » ne pouvant créer du relatif, il faut qu'il existe un « relativement absolu » au sein de l'Absolu, c'est la fonction des trois Personnes ; toute la philosophie chrétienne est ainsi dominée et déterminée par le « Dieu est amour » de Saint-Jean.
Voyons maintenant comment fonctionne cette Sainte Trinité : « la Personne du Père n'est autre que l'Essence divine en tant qu'elle engendre la Personne du Fils, et vice versa. Il en est de même pour le Saint Esprit. Cet échange mutuel, ce don total de l'Essence divine qui circule éternellement, et en dehors bien entendu de toutes conditions limitatives d'existence comme le temps et l'espace, constitue un double mouvement qui embrasse les trois Personnes. C'est en quelque sorte la révélation de Dieu à Lui-même par Lui-même ». Aucune des Personnes divines ne garde jalousement la possession de l'Essence divine pour elle-même, mais elle en fait le « don total »-le Sacrifice-aux deux autres, en même temps qu'elle la reçoit d’elles. « Elle est donc pauvreté, plénitude, bonté. Elle est l'action de Grâce par excellence, par laquelle les trois Personnes se rendent mutuellement grâce; c'est la Sainteté du « Dieu trois fois saint »: c'est la liturgie suprême en Dieu, c'est le chant du Trisagion, de la triple action de Grace ». Cette gloire est infini et appelle à l'existence des possibilités de manifestation comprise dans le verbe (prologue de Saint-Jean) : Dieu crée par Amour. « Les créatures en Dieu, dans leur essence, ou archétype éternel, sont comme des rayons internes de la Gloire essentielle de Dieu. Sur le plan existentiel, elles sont comme des rayons externes de cette Gloire ; lorsqu'elles sortent du chaos des possibilités pour parvenir à la « surface » des eaux, elles poussent le « cri primordial » : alléluia ! » Rappelons que le Sacerdoce et le Sacrifice sont essentiellement « un sacrifice de louanges, et dans cette perspective, l'Eucharistie est essentiellement « l'action de grâces », entendu non pas comme une attitude psychologique de remerciement mais comme une participation eschatologique à l'Action de Grâce Suprême, au Sacrifice et au Sacerdoce du Verbe en Dieu lui-même ». L'être humain entre donc, par cette dynamique, dans la communion des trois Personnes pour participer éternellement à la gloire éternelle de Dieu. Dans l'Incarnation, la Personne du Fils s’unit à la nature humaine ; dans le Christ, il y a union hypostatique des deux natures divine et humaine. Quant à la communication du Saint Esprit, elle transmue l’âme au niveau de la procession du souffle caractéristique de la troisième Personne. Saint-Jean de la Croix, dans son « cantique spirituel » écrit : « l’âme spire la même spiration d'Amour que le Père et le Fils spirent en elle dans cette transformation ». L'abbé Stéphane précise que dans la nuit obscure, les trois vertus théologales purifient les trois puissances de l’âme et les réfère aux trois Personnes : « la foi purifie l'intelligence et la conduit au Fils qui est Lumière, la charité purifie la volonté, et la conduit au Saint Esprit qui est Amour, enfin l'espérance purifie la mémoire, par le souvenir de Dieu, et la conduit au Père ». Enfin, l'action du Saint Esprit se manifeste dans la maternité hypostatique du Saint Esprit : en Dieu, le Saint Esprit révèle le Père et le Fils à eux mêmes ; en nous, l'Esprit opère une révélation analogue. « Nul ne peut prononcer le nom de jésus si ce n'est par l'Esprit » (1 Cor.12, 3).
La Sainteté, loin de se réduire à un volontarisme moral, est essentiellement une participation à la Sainteté divine telle qu'elle apparaît dans notre réflexion ci-dessus : c'est un dépouillement, un anéantissement de son être dans l'autre qui lui fait trouver par là même son « être propre ». Ce qui constitue essentiellement la Personne divine, c'est de se donner entièrement à une autre Personne divine. « Le Père est donc le Grand Pauvre par excellence, et c'est ce qui fait son infinie richesse ». Réciproquement le Fils se connaît dans le Père comme engendré du Père, tout comme l'Esprit qui en procède. À leur tour, ils n'existent comme Dieu, que parce qu'ils viennent du Père. Le Père ne possède l'Essence divine que parce qu'il la donne au Fils et à l'Esprit qui ne possèdent l'Essence divine que parce qu'ils la reçoivent du Père. C’est cela qui distingue les trois Personnes. C'est la même Essence qui est donnée et reçue par chacun. Le même mouvement d'Amour lie le Père à l'Esprit et au Fils, le Fils au Père et à l'Esprit et l'Esprit au Père et au Fils. Le Fils et l'Esprit ne peuvent se constituer en tant que Personne que s’ils communiquent à l'autre tout ce qu'ils ont reçu d’elle ; ils ne peuvent recevoir l'Essence divine que s'il la donne à leur tour ; ainsi le Père reçoit ce qu'il a donné et « se retrouve ». « La vie divine consiste dans la réciprocité d'un altruisme parfait, total, fait d’infinie pauvreté et d’infinie charité. Cet acte devient ainsi infini richesse dans le dépouillement. C'est en cela que constitue ce que l'on peut appeler le « Sacerdoce éternel du Verbe », dont le sacrifice du calvaire sera l'incarnation dans le temps », une manifestation historique nécessaire.
Nous sommes ici au sommet de la révélation. Ceci constitue, si l'on peut dire, la base et le sommet de l'Évangile. C'est le mystère de la Divine Pauvreté et de la Divine Charité, de l'anéantissement du Fils et de l'effusion de l'Esprit dans le sacerdoce éternel du Fils.