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Réflexions liturgiques et théologiques

samedi 23 mars 2013


Entrée du Christ à Jérusalem.

Les dernières semaines de la vie publique du Christ sont sous-tendues par la volonté de Notre Seigneur de monter à Jérusalem. Ses disciples veulent l'en dissuader car les autorités religieuses de Jérusalem cherchent à l'éliminer. Jésus tentera à plusieurs reprises, mais en vain semble-t-il, de leur expliquer cette nécessité. Ces dernières semaines vont s'articuler autour d'actes très forts, tant symboliquement que politiquement, que Notre Seigneur va poser. Il s'agit de l'Onction de Béthanie, de la résurrection de Lazare et de l'entrée à Jérusalem. Si nous voulons comprendre un peu ce qui va se passer dans les jours qui vont suivre l'entrée triomphale de Jésus, nous ne pouvons pas dissocier ces trois temps forts.
Pour nous, chrétiens modernes du XXIe siècle, la fête des rameaux s’éclaire par la passion la crucifixion et la résurrection de Notre Seigneur. Il s'agit d'une entrée festive que la revue « Le Pèlerin » du 21 mars 2013 définit comme « une joyeuse pagaille improvisée, un ânon réquisitionné, une foule manipulable à souhait, composé de braillards illuminés agitant des palmes cueillies en urgence, une voie faite de manteaux et de tissus bigarrés et des disciples qui marchent en  arrière de leur héros ». Oui le seigneur est accueilli par une foule immense, entouré des 12 apôtres et certainement des 120 disciples qui l'accompagnent habituellement. Nous savons que la foule est versatile et que lors du procès de Jésus personne ne viendra le défendre ou le soutenir, à l'exception de Jean qui restera muet et de Pierre qui le reniera. Dans nos homélies, nous répétons qu'il n'est pas seulement le roi d'Israël, mais le Roi de toute la création qui vient combattre la mort, verser son sang, et par là même racheter nos péchés. Nous rappelons également que nous sommes comme cette foule, où les enfants acclament le Christ, où les femmes et les hommes mettent leurs manteaux par terre pendant que complotent les « princes du peuple ». Nous sommes tous, nous pauvres mortels, aussi enthousiastes et exaltés que cette  foule, mais aussi trop souvent versatiles. Comme les juifs de Jérusalem nous suivons bien souvent le Seigneur par intérêt. Mais peut-être cela vaut-il la peine de le suivre, même si notre motivation n’est pas claire. Mais qu'en est-il pour les judéens de cette époque, « n’ayant pas connaissance de la suite des événements ». Quel est leur attente ? Pour répondre à ces questions il est nécessaire de retourner aux deux moments forts qui ont précédé cette entrée glorieuse. Tout d'abord l’onction que fit Marie-Madeleine sur Notre Seigneur en sa maison de Béthanie, en présence des disciples et des judéens qui suivaient, de façon plus ou moins attentive, le Christ. Elle versa sur la tête de Jésus une huile parfumée fort chère, un parfum de nard, et essuya, de sa chevelure, les pieds du Seigneur couverts d’huile. Avec le recul, nous y voyons une anticipation de l'onction funèbre du corps de Notre Seigneur Jésus-Christ au sépulcre.
Mais pour les juifs de l’époque, cela renvoyait clairement à deux actes très importants de l'histoire d'Israël :
L’onction que fit Moïse, à la demande du Seigneur, sur Aaron et ses fils qui étaient  de la tribu de Lévy tout comme Moïse. Cette onction sacerdotale est relatée dans « exode 30,22 ».
Mais également l'onction effectuée par le prophète Samuel qui verse l’Huile sanctifiée sur la tête de Saül, là aussi à la demande du Seigneur, afin de le désigner comme roi d'Israël. Samuel  le fit également sur la tête de l'enfant David (1 Sam 10,1 et 16,12-13)
Marie-Madeleine s'inscrit donc, par cet acte, dans la lignée prophétique d'Israël, et désigne par là même le Christ comme Roi et Grand Prêtre à la face de la population juive.
Cette onction fut précédée par la résurrection de Lazare en présence de nombreuses personnes de la région de Jérusalem. Pour eux le Christ révèle sa puissance, il est bien Roi, Prêtre et Prophète. La foule qui l'accueille à l'entrée de Jérusalem attend que Notre Seigneur se conduise comme le nouveau grand chef d'Israël, détrône la classe sacerdotale et chasse les Romains. Or que fait-il ? Il se dirige vers le temple pour y prier, y prêcher, et demande à ses apôtres de préparer la Pâque ! Quelle déception pour le peuple qui attendait un nouveau David !
Alors « soyons comme des enfants qui courent  à la rencontre de leur Roi sans arrière pensée »

À lui soient  le Règne, la  Puissance et la Gloire aux siècles des siècles.
Père Jean Moïse.


mercredi 20 mars 2013


La Résurrection de Lazare


Saint Jean l'évangéliste est le seul à relater cet événement qui précède de très peu l'entrée triomphale du Christ à Jérusalem. Il est intéressant de noter le contraste entre le style du prologue, texte synthétique et saisissant dans sa brillante et brève formulation, et le récit de la résurrection de Lazare où Jean prend tout son temps, comme s’il nous invitait  à nous y attarder, comme si il y avait là quelque chose qui nous concernait, et que nous avions à approfondir.

Afin d'éclairer ce texte fondamental je vous propose de partager le commentaire que fit Alexander Schmemann, paru en 1961 dans « The Christian Way » 

 « La joie qui imprègne et éclaire l'Office de Lazare met l'accent sur un thème majeur : la prochaine victoire du Christ sur l ‘Hadès. Hadès est le terme biblique pour la mort et sa puissance universelle, pour l’indéniable ténèbre qui engloutit toute vie et empoisonne le monde entier par son ombre. Mais maintenant-avec la résurrection de Lazare-la mort commence à trembler. Un duel décisif entre la Vie et la Mort commence, nous donnant la clé de tout le mystère liturgique de Pâques. Déjà au quatrième siècle, cet office était appelé « annonce de Pâques ». Car en effet, il annonce et anticipe la merveilleuse Lumière et Paix  du Grand Samedi, jour de la Tombe vivifiante.

Lazare, l'ami de Jésus, personnifie l'humanité entière et aussi chaque homme, comme Béthanie-la maison de Lazare-symbolise le monde entier-la maison de l'Homme. Car chaque homme a été créé en tant qu'ami de Dieu et appelé à Son amitié : la connaissance de Dieu, la Communion à Dieu, le partage de la vie avec Lui : « en Lui était la Vie, et la Vie était la Lumière des hommes » (Jn 1,4). Et cependant cet ami, que Jésus aime, qu'Il a créé dans l'amour, est détruit, annihilé par une puissance que Dieu n'a pas créée : la mort. Dans son propre monde, le fruit de son amour, sagesse et beauté, Dieu rencontre une puissance qui détruit Son œuvre et annihile Son premier dessein. Le monde n'est que lamentation et affliction, complainte et révolte. Comment est-ce possible ? Comment est-ce arrivé ? Telles sont les questions implicites de la narration lente et détaillée donnée par Jean de la progression de Jésus vers la tombe de Son ami. Et une fois sur place, Jésus pleura, dit l'Évangile. Pourquoi donc pleura-t’il si il savait qu'un instant plus tard, il ramènerait Lazare à la vie ?

Il pleure parce qu'il contemple l'état misérable du monde, créé par Dieu, et l'état misérable de l'homme, le roi de la Création… « Il sent déjà » disent les juifs pour tenter d'empêcher Jésus d'approcher du corps, et ce « il sent déjà » peut-être appliqué à toute la Création. Dieu est Vie, et Il a appelé l'homme à cette divine réalité de la vie, et lui, « il sent déjà ». À la tombe de Lazare, Jésus rencontre la Mort-la puissance du péché de la destruction, de la haine et du désespoir. Il rencontre l'ennemi de Dieu. Et nous qui le suivons, nous sommes à présent introduits dans le cœur même de cette heure de Jésus, l'heure qu'il a si souvent mentionnée. Les ténèbres de la Croix qui arrivent, sa nécessité, sa signification universelle, tout ça nous est donné dans le plus court verset de l'Évangile-« et Jésus pleura ».

Nous comprenons à présent que c'est parce qu'il pleura son ami Lazare et était bouleversé pour lui, qu'il avait la puissance de le ramener à la vie. La puissance de la Résurrection n'est pas une divine puissance par elle-même, mais c'est la puissance de l'amour, ou plutôt, l'amour comme puissance. Dieu est Amour, et c’est l'amour qui crée la vie ; c'est l'amour qui pleure à la tombe et c’est dès lors l'amour qui restaure la vie… Telle est la signification de ces divines larmes. Ce sont des larmes d'amour, et dès lors, en elle se trouve la puissance de la vie. L'Amour, qui est le fondement de la vie et sa source, est à nouveau à l'œuvre, recréant, rachetant, restaurant la vie enténébrée de l'homme : « Lazare, sors dehors ! » Et c'est pourquoi cette liturgie de Lazare est le véritable commencement des deux : la Croix, en tant que sacrifice d’amour suprême, et la résurrection commune, en tant que triomphe ultime de l'amour.

 La joie de tous, le Christ, La Vérité, La Lumière, La Vie, La Résurrection du monde, S'est révélée dans Sa bonté à ceux qui sont sur la terre. Il est devenu le modèle de la résurrection et donna à tous l’absolution divine. »

À vous tous frères et sœurs, bonne et sainte montée vers Jérusalem, vers le Golgotha, vers la résurrection de notre Seigneur Jésus-Christ, à Lui soit le Règne, la Puissance et la Gloire aux siècles des siècles.

Père Jean Moise.

samedi 16 mars 2013


Chers Amis,

« En vérité, en vérité, je vous le dis, si le grain de blé ne tombe en terre et ne meurt, il reste seul; s'il meurt, il porte beaucoup de fruits. Qui aime sa vie la perd et qui hait sa vie en ce monde la conservera en vie éternelle.»

Ces paroles qui contiennent tout, le Christ les prononce d'abord pour lui-même, non en vue d'une catastrophe, mais à l'Heure où Il doit être glorifié par la souffrance, la mort et la résurrection (Jn 12,24-25). Rien n'est plus fécond que cet abandon actif. C'est quand le grain de blé s'abandonne sans résistance à la terre, quand il l'épouse du dedans en acceptant pleinement l'humidité qui l'enveloppe, le froid, la ténèbre et le pourrissement, que tout entre en gestation et donne naissance à la vie! C'est une Loi profonde et incontournable inscrite dans toute la Création. Comme le grain de blé, le ver à soie se ratatine dans son cocon, il est douloureusement écorché, tout en lui se déchire et se délabre, peu à peu son ancien corps se transforme en un autre, c'est la chrysalide qui, en trois semaines, pousse vers la lumière un merveilleux papillon...

Pour l'homme, tout est parabole dans la nature, elle est une Bible ouverte qui lui révèle son propre devenir. Pourquoi est-ce comme cela, pourquoi faut-il mourir pour vivre ? Parce que le fond de l'être, le fond de toutes choses est Amour. Le secret de la vie, c'est se donner et se recevoir, meurs et deviens est son essence. Il n'y a là rien à comprendre, seulement à expérimenter. Ce n'est donc offert qu'à ceux qui prennent le Chemin. Mais à ceux-là se dévoile une joie tout-à-fait inconnue et nouvelle, qui ne fleurit jamais dans la vie extérieure. Elle est de type initiatique pour l'homme qui s'y prête et qui se laisse emmener là où il n'irait sans doute pas de son propre gré. C'est la joie des cimes, où la louange se conjugue avec la souffrance.

Le disciple du Christ est conduit jusque-là par Marie. De Marie sous la croix de son Fils, nous ne savons rien et cela restera éternellement son secret le plus personnel. Peut-être des parents peuvent-ils en pressentir quelque chose, s'ils approchent ce mystère avec leurs entrailles de père ou de mère ? Parfois il y a aussi la transparence d'une vieille icône qui laisse entrevoir l'abîme, dans le regard ou un geste... Mais seule l'expérience de chacun peut lui révéler ce qui est unique et indicible. Même les mots de l'Evangile ne font ici qu'indiquer une direction. Tant que l'homme n'a pas prononcé, avec tout son être, un «oui» inconditionnel à ce qui lui arrive, les paroles du Christ restent étrangères, extérieures, ou lui semblent contre nature

« Si quelqu'un veut venir à ma suite, qu'il renonce à lui-même et prenne sa croix, et qu'il me suive. En effet, qui veut sauver sa vie la perdra, mais qui perd sa vie à cause de moi et de l'Evangile la sauvera (Me 8,34-35). C'est la même insistance que dans le texte du grain de blé. Mais ici est affirmé clairement le motif: à cause de moi. Nous sommes devant un texte central de l'Evangile, il constitue le pivot et le secret du Chemin ascétique de l'homme. Quelle dissonance inacceptable à une époque, la nôtre, d' « affirmation de soi », de « développement personnel », « d'élargissement de la conscience », de « jonction cosmique » et de tous les mouvements « d'éveil du potentiel humain »... !

Dans l'Evangile, de quoi s'agit-il ? D'un choix unique et exclusif du Christ. Vivre c'est Lui. Et le seul moyen pour vivre en Lui, c'est de se renier soi-même. Dans son quotidien, l'homme, même s'il a une religion, vit comme si le Christ n'existait pas, il a d'autres choix, l'axe de son désir est ailleurs, toute sa vie dit avec Pierre : Je ne connais pas cet homme ! (Mt 26,74). Ne se reniant pas lui-même, Pierre renie le Christ. En voulant sauver sa vie, il la perd. Dans le texte original grec, c'est le même verbe «renier» qui revient constamment dans des passages différents, qu'il s'agisse de renier le Christ ou de se renier soi-même. L'Evangile marque donc une alternance voulue : ou se renier soi-même ou renier le Christ, on ne peut dire oui à l'un sans dire non à l'autre, car la chair, en ses désirs, s'oppose à l'Esprit et l'Esprit à la chair; entre eux, c'est l'antagonisme (Ga 5,17).

Où est le fondement de ma vie: est-ce mon «moi» ou le Christ ? Pour qui et pour quoi est-ce que je vis? Cette question du Christ à la conscience de l'homme a suscité l'ère des martyrs, qui est la base normative de notre foi. Le martyr est poussé par les circonstances ponctuelles dans l'alternative d'un choix décisif: ou se renier soi-même ou renier le Christ. Aussi, ceux qui sont descendus dans l'arène, l'ont-ils fait en chantant, prémices d'une plénitude de joie en marche. Mais si le martyr est la norme du christianisme, ce choix s'impose à chacun d'entre nous, et même à chaque instant au fil des jours.
Car la vie vaut ce que vaut l'instant, et l'instant ne vaut que par la joie qu'il contient, mais la joie, elle, n'existe que par le Christ, source divine de toute joie. Le « moi » est un puits sans fond de besoins et de passions, son appât est le plaisir sans joie et sans vie; au bout de ce choix-là il n'y a que le néant et la mort...

On comprend alors que chaque «non» dit à soi-même par amour est un oui dit au Christ. Et de cette attitude, chaque moment nous en offre la grâce : dans le confort et les facilités de notre société de « consommation », la pornographie et la violence de la télévision, dans la façon de boire et de manger, dans la concupiscence des relations, dans les pensées et fantasmes multiples et finalement dans l'orientation profonde de notre coeur... L'exercice du reniement de soi peut être constant ! Mais ce qui importe n'est pas de se renier, c'est de lier notre sort à celui du Christ.
Dans cet esprit, lier notre sort à celui du Christ, nous vous souhaitons une belle Semaine Sainte et une lumineuse Résurrection !

Avec toute notre affection, à bientôt !

Père Alphonse et Rachel