Les hypothèses de Claude Tresmontant.
Selon les hypothèses de cet
auteur, présentées dans son livre « le Christ hébreu »,
l'évangile de Marc fut écrit vers 40/60. Pour cet auteur les quatre évangiles
et l'apocalypse furent rédigés en hébreu avant l'incendie de Rome par Néron, et
contrairement à l'opinion la plus répandue, l'évangile de Luc est le moins grec
des quatre et le plus évidemment hébreu, sauf la première phrase.
Claude
Tresmontant écrit que si nous ne disposions pas de la Sainte Bible hébraïque, écrite
en langue originale, « et si tous les
textes hébreux étaient perdus, s'il ne restait que la traduction grecque que
nous appelons la septante ou les septante, il se trouverait certainement
aujourd'hui des savants pour soutenir mordicus que cette traduction grecque des
Septante n'est pas une traduction et que la Bible a été écrite directement en
grec. D'ailleurs l'hypothèse n'est pas dans l'air, puisqu'il existe quelques
livres qui ne nous sont conservés qu’en traduction grecque, et dont l'original
hébreu est perdu. On voit très évidemment en les lisant que ce sont des
traductions faites à partir d'un texte original hébreu. Il se trouve des
savants qui soutiennent mordicus que ce sont des compositions originales faites
en langue grecque, jusqu'au jour, comme cela s'est vu, où l'on découvre enfin
l'original hébreu du livre en question.
Pour les quatre évangiles, il en va de même.
Comme nous ne possédons plus, à cette heure, les documents hébreux originaux
qui ont été traduits en langue grecque et qui ont donné les quatre évangiles,
il se trouve, depuis plusieurs siècles, des savants qui soutiennent mordicus
que ces quatre évangiles ont été écrits directement en langue grecque.
La démonstration du fait que les quatre
évangiles-et bien d'autres textes de la bibliothèque de la nouvelle
alliance-sont en réalité des traductions faites à partir de textes hébreux sous-jacents,
cette démonstration est réalisable si l'on se souvient de ce que les
psychologues allemands de la première moitié du XXe siècle appelaient la
Gestalt théorie. Ce n'est pas en prenant les éléments, c'est-à-dire le
vocabulaire, les mots, que l'on peut faire cette démonstration, car il se
trouverait toujours un savant, comme par exemple Deissmann, qui découvrira dans
telle inscription le mot dont on pensait qu'il était propre à la traduction
grecque de textes hébreux. Les traducteurs de la Bible hébraïque en langue
grecque n’ont pas inventé des mots grecs. Ils en ont forgés quelques-uns, mais
assez rares. Ce qui prouve qu'il y a traduction, ce n'est pas seulement le
vocabulaire, c'est la figure ou la forme de la phrase, c'est la structure de la
phrase, c'est l'ensemble constitué par le vocabulaire, la structure de la
phrase et la signification. Finalement la démonstration conduit à une évidence,
si et seulement si l'on parvient avoir cette forme de la phrase ou de la
formule qui est la forme de la phrase hébraïque. »
La critique
biblique moderne se développa principalement au XIXe siècle en Allemagne sous
l'action de philosophes et théologiens, en majorité protestants mais pas tous
chrétiens, et influencé par les premiers frémissements de la Gestalt. Comme
beaucoup de chrétiens au XIXe siècle, qu’ils soient protestants ou catholiques
et même orthodoxes, ils étaient majoritairement antisémites. Nombre d'entre eux
estimaient « qu'un juif ne pouvait
écrire de telles choses. ». Encore maintenant c'est la conviction de
certains fondamentalistes chrétiens aux relents d'antisémitisme viscéral. Ce
sont eux qui ont imposé au monde la datation en vigueur encore aujourd'hui,
malgré beaucoup de contrevérités. Pour Claude Tresmontant l'Évangile de
Matthieu en hébreu se situerait juste après la résurrection de Notre Seigneur
ainsi que celui de Jean. Et il donne les fourchettes suivantes : Luc dans les
années 40-60, les premières lettres de Paul entre 50 et 52, Marc dans les
années 50 60 et l'apocalypse autour de l'an 60.
Je vous fais
grâce des analyses techniques, s'ils vous intéressent n'hésiter pas à retourner
au livre cité en référence, et je vous donne les conclusions de l'auteur :
1. l'Évangile
de Marc est tout entier traduit à partir de textes hébreux.
2. Mais
sa traduction manifeste en plusieurs occasions un effort certain pour éliminer
des expressions hébraïques qui étaient décidément trop dures à avaler, si j'ose
dire, pour un lecteur issu du paganisme. Nous tenons donc là un indice que
l'Evangile de Marc est postérieur à celui de Matthieu.
3. Nombre
de textes de première importance qui se trouvent dans Matthieu sont disparues
de Marc. Ce sont des textes très difficiles pour un lecteur d'origine païenne.
4. Marc,
pas plus que Matthieu, Luc ou Jean, ne connaît la prise et de la destruction de
Jérusalem et du Temple.
5. Marc
ne connaît pas la mort de Jacques, le frère du Seigneur, évêque de Jérusalem,
en l'an 62.
6. Marc
ne connaît pas le massacre des chrétiens par Néron en 64 ou 65 et les
persécutions qui ont commencé à partir de cette date.
7. Marc
a supprimé les textes tels que ceux qui concernent le signe de Jonas. On ne
peut donc plus affirmer que sa traduction est antérieure au passage de
l'heureuse annonce aux païens. Au contraire, les indices précédemment relevés
laissent penser que son évangile s'adresse aussi à des frères et des sœurs
issues du paganisme. C'est un évangile allégé.
Nous pouvons
donc situer la traduction de Marc dans une zone de probabilité qui va des
années 40 à 60. C'est à ce résultat que parvient, par d'autres méthodes,
beaucoup plus savantes, John A. T. Robinson.
Il est bon de
rappeler que Marc est le neveu de Barnabé qui est un juif originaire de Chypre,
et fut l'un des premiers convertis, l’un des 12 pour nombre de spécialistes.
C'est d'ailleurs lui qui s'est porté garant de la conversion de saint Paul
devant les autres apôtres. Il a d'ailleurs accompagné celui-ci avec Marc lors
de son premier voyage à Chypre. Puis Paul refuse de prendre Marc pour ses
voyages suivants et entraine de ce fait le départ de Barnabé qui retourna chez
lui en Chypre. Quant à Marc il se rend à Rome, où il rejoint Pierre avec qui
ils convertissent en partie la communauté hébraïque des 12 synagogues qui s'y
trouve. Marc est le traducteur de Pierre avec qui il travailla, mais il n'a pas
connu notre Seigneur Jésus-Christ, pas plus que Paul et ses partisans,
contrairement à Pierre et Barnabé.
L'activité
romaine de Marc et de Pierre se déroulait sous le règne de l'empereur Claude,
juriste et législateur avisé, habile et généralement tolérant sauf vis-à-vis
des religions étrangères. Vers l’an 50 Claude fera expulser les juifs de Rome
parce qu'ils ont causé des troubles par leurs disputes au sujet d'un certain Christos. Ce fait fut relaté, entre
autres, par l'historien latin Suétone qui n'est d'ailleurs pas tendre pour les
chrétiens.
Bonne et
Sainte lecture de Saint-Marc. P. Jean Moïse.