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Réflexions liturgiques et théologiques

samedi 16 mars 2013


Chers Amis,

« En vérité, en vérité, je vous le dis, si le grain de blé ne tombe en terre et ne meurt, il reste seul; s'il meurt, il porte beaucoup de fruits. Qui aime sa vie la perd et qui hait sa vie en ce monde la conservera en vie éternelle.»

Ces paroles qui contiennent tout, le Christ les prononce d'abord pour lui-même, non en vue d'une catastrophe, mais à l'Heure où Il doit être glorifié par la souffrance, la mort et la résurrection (Jn 12,24-25). Rien n'est plus fécond que cet abandon actif. C'est quand le grain de blé s'abandonne sans résistance à la terre, quand il l'épouse du dedans en acceptant pleinement l'humidité qui l'enveloppe, le froid, la ténèbre et le pourrissement, que tout entre en gestation et donne naissance à la vie! C'est une Loi profonde et incontournable inscrite dans toute la Création. Comme le grain de blé, le ver à soie se ratatine dans son cocon, il est douloureusement écorché, tout en lui se déchire et se délabre, peu à peu son ancien corps se transforme en un autre, c'est la chrysalide qui, en trois semaines, pousse vers la lumière un merveilleux papillon...

Pour l'homme, tout est parabole dans la nature, elle est une Bible ouverte qui lui révèle son propre devenir. Pourquoi est-ce comme cela, pourquoi faut-il mourir pour vivre ? Parce que le fond de l'être, le fond de toutes choses est Amour. Le secret de la vie, c'est se donner et se recevoir, meurs et deviens est son essence. Il n'y a là rien à comprendre, seulement à expérimenter. Ce n'est donc offert qu'à ceux qui prennent le Chemin. Mais à ceux-là se dévoile une joie tout-à-fait inconnue et nouvelle, qui ne fleurit jamais dans la vie extérieure. Elle est de type initiatique pour l'homme qui s'y prête et qui se laisse emmener là où il n'irait sans doute pas de son propre gré. C'est la joie des cimes, où la louange se conjugue avec la souffrance.

Le disciple du Christ est conduit jusque-là par Marie. De Marie sous la croix de son Fils, nous ne savons rien et cela restera éternellement son secret le plus personnel. Peut-être des parents peuvent-ils en pressentir quelque chose, s'ils approchent ce mystère avec leurs entrailles de père ou de mère ? Parfois il y a aussi la transparence d'une vieille icône qui laisse entrevoir l'abîme, dans le regard ou un geste... Mais seule l'expérience de chacun peut lui révéler ce qui est unique et indicible. Même les mots de l'Evangile ne font ici qu'indiquer une direction. Tant que l'homme n'a pas prononcé, avec tout son être, un «oui» inconditionnel à ce qui lui arrive, les paroles du Christ restent étrangères, extérieures, ou lui semblent contre nature

« Si quelqu'un veut venir à ma suite, qu'il renonce à lui-même et prenne sa croix, et qu'il me suive. En effet, qui veut sauver sa vie la perdra, mais qui perd sa vie à cause de moi et de l'Evangile la sauvera (Me 8,34-35). C'est la même insistance que dans le texte du grain de blé. Mais ici est affirmé clairement le motif: à cause de moi. Nous sommes devant un texte central de l'Evangile, il constitue le pivot et le secret du Chemin ascétique de l'homme. Quelle dissonance inacceptable à une époque, la nôtre, d' « affirmation de soi », de « développement personnel », « d'élargissement de la conscience », de « jonction cosmique » et de tous les mouvements « d'éveil du potentiel humain »... !

Dans l'Evangile, de quoi s'agit-il ? D'un choix unique et exclusif du Christ. Vivre c'est Lui. Et le seul moyen pour vivre en Lui, c'est de se renier soi-même. Dans son quotidien, l'homme, même s'il a une religion, vit comme si le Christ n'existait pas, il a d'autres choix, l'axe de son désir est ailleurs, toute sa vie dit avec Pierre : Je ne connais pas cet homme ! (Mt 26,74). Ne se reniant pas lui-même, Pierre renie le Christ. En voulant sauver sa vie, il la perd. Dans le texte original grec, c'est le même verbe «renier» qui revient constamment dans des passages différents, qu'il s'agisse de renier le Christ ou de se renier soi-même. L'Evangile marque donc une alternance voulue : ou se renier soi-même ou renier le Christ, on ne peut dire oui à l'un sans dire non à l'autre, car la chair, en ses désirs, s'oppose à l'Esprit et l'Esprit à la chair; entre eux, c'est l'antagonisme (Ga 5,17).

Où est le fondement de ma vie: est-ce mon «moi» ou le Christ ? Pour qui et pour quoi est-ce que je vis? Cette question du Christ à la conscience de l'homme a suscité l'ère des martyrs, qui est la base normative de notre foi. Le martyr est poussé par les circonstances ponctuelles dans l'alternative d'un choix décisif: ou se renier soi-même ou renier le Christ. Aussi, ceux qui sont descendus dans l'arène, l'ont-ils fait en chantant, prémices d'une plénitude de joie en marche. Mais si le martyr est la norme du christianisme, ce choix s'impose à chacun d'entre nous, et même à chaque instant au fil des jours.
Car la vie vaut ce que vaut l'instant, et l'instant ne vaut que par la joie qu'il contient, mais la joie, elle, n'existe que par le Christ, source divine de toute joie. Le « moi » est un puits sans fond de besoins et de passions, son appât est le plaisir sans joie et sans vie; au bout de ce choix-là il n'y a que le néant et la mort...

On comprend alors que chaque «non» dit à soi-même par amour est un oui dit au Christ. Et de cette attitude, chaque moment nous en offre la grâce : dans le confort et les facilités de notre société de « consommation », la pornographie et la violence de la télévision, dans la façon de boire et de manger, dans la concupiscence des relations, dans les pensées et fantasmes multiples et finalement dans l'orientation profonde de notre coeur... L'exercice du reniement de soi peut être constant ! Mais ce qui importe n'est pas de se renier, c'est de lier notre sort à celui du Christ.
Dans cet esprit, lier notre sort à celui du Christ, nous vous souhaitons une belle Semaine Sainte et une lumineuse Résurrection !

Avec toute notre affection, à bientôt !

Père Alphonse et Rachel


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