La
Résurrection de Lazare
Saint Jean l'évangéliste est le seul à
relater cet événement qui précède de très peu l'entrée triomphale du Christ à
Jérusalem. Il est intéressant de noter le contraste entre le style du prologue,
texte synthétique et saisissant dans sa brillante et brève formulation, et le
récit de la résurrection de Lazare où Jean prend tout son temps, comme s’il
nous invitait à nous y attarder, comme
si il y avait là quelque chose qui nous concernait, et que nous avions à
approfondir.
Afin d'éclairer ce texte fondamental
je vous propose de partager le commentaire que fit Alexander Schmemann, paru en 1961 dans « The Christian Way »
« La joie qui imprègne et éclaire l'Office de
Lazare met l'accent sur un thème majeur : la prochaine victoire du Christ sur l
‘Hadès. Hadès est le terme biblique
pour la mort et sa puissance universelle, pour l’indéniable ténèbre qui
engloutit toute vie et empoisonne le monde entier par son ombre. Mais
maintenant-avec la résurrection de Lazare-la
mort commence à trembler. Un duel décisif entre la Vie et la Mort commence,
nous donnant la clé de tout le mystère liturgique de Pâques. Déjà au quatrième
siècle, cet office était appelé « annonce
de Pâques ». Car en effet, il annonce et anticipe la merveilleuse
Lumière et Paix du Grand Samedi, jour de
la Tombe vivifiante.
Lazare, l'ami de Jésus, personnifie
l'humanité entière et aussi chaque homme, comme Béthanie-la maison de
Lazare-symbolise le monde entier-la maison de l'Homme. Car chaque homme a été
créé en tant qu'ami de Dieu et appelé à Son amitié : la connaissance de Dieu,
la Communion à Dieu, le partage de la vie avec Lui : « en Lui était la Vie, et la Vie était la
Lumière des hommes » (Jn 1,4). Et cependant cet ami, que Jésus aime,
qu'Il a créé dans l'amour, est détruit, annihilé par une puissance que Dieu n'a
pas créée : la mort. Dans son propre monde, le fruit de son amour, sagesse et
beauté, Dieu rencontre une puissance qui détruit Son œuvre et annihile Son
premier dessein. Le monde n'est que lamentation et affliction, complainte et
révolte. Comment est-ce possible ? Comment est-ce arrivé ? Telles sont les
questions implicites de la narration lente et détaillée donnée par Jean de la
progression de Jésus vers la tombe de Son ami. Et une fois sur place, Jésus
pleura, dit l'Évangile. Pourquoi donc pleura-t’il si il savait qu'un instant
plus tard, il ramènerait Lazare à la vie ?
Il pleure parce qu'il contemple l'état
misérable du monde, créé par Dieu, et l'état misérable de l'homme, le roi de la
Création… « Il sent déjà » disent
les juifs pour tenter d'empêcher Jésus d'approcher du corps, et ce « il sent déjà » peut-être appliqué
à toute la Création. Dieu est Vie, et Il a appelé l'homme à cette divine
réalité de la vie, et lui, « il
sent déjà ». À la tombe de Lazare, Jésus rencontre la Mort-la
puissance du péché de la destruction, de la haine et du désespoir. Il rencontre
l'ennemi de Dieu. Et nous qui le suivons, nous sommes à présent introduits dans
le cœur même de cette heure de Jésus, l'heure qu'il a si souvent mentionnée.
Les ténèbres de la Croix qui arrivent, sa nécessité, sa signification
universelle, tout ça nous est donné dans le plus court verset de l'Évangile-« et Jésus pleura ».
Nous comprenons à présent que c'est parce
qu'il pleura son ami Lazare et était bouleversé pour lui, qu'il avait la
puissance de le ramener à la vie. La puissance de la Résurrection n'est pas une
divine puissance par elle-même, mais
c'est la puissance de l'amour, ou plutôt, l'amour comme puissance. Dieu est
Amour, et c’est l'amour qui crée la vie ; c'est l'amour qui pleure à la tombe et c’est dès lors l'amour qui
restaure la vie… Telle est la signification de ces divines larmes. Ce sont des
larmes d'amour, et dès lors, en elle se trouve la puissance de la vie. L'Amour,
qui est le fondement de la vie et sa source, est à nouveau à l'œuvre, recréant,
rachetant, restaurant la vie enténébrée de l'homme : « Lazare, sors dehors ! » Et c'est pourquoi
cette liturgie de Lazare est le véritable commencement des deux : la Croix, en tant que sacrifice d’amour
suprême, et la résurrection commune,
en tant que triomphe ultime de l'amour.
La joie de tous, le Christ, La Vérité, La
Lumière, La Vie, La Résurrection du monde, S'est révélée dans Sa bonté à ceux
qui sont sur la terre. Il est devenu le modèle de la résurrection et donna à
tous l’absolution divine. »
À vous tous frères et sœurs, bonne et
sainte montée vers Jérusalem, vers le Golgotha, vers la résurrection de notre
Seigneur Jésus-Christ, à Lui soit le Règne, la Puissance et la Gloire aux
siècles des siècles.
Père Jean Moise.
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