LES NOCES DE QANA
En
ce début de XXIe siècle où les mariages se soldent par 70 % de divorces, il est
évident que le mariage à deux, c'est l'échec garanti ! Mais au cœur de cette
détresse humaine, le Messie va manifester sa gloire au sein même de cette humanité
en souffrance. En ce milieu du mois de janvier, le Christ commence déjà sa
mission : c'est aux noces de Cana. Fête presque inconnue en Occident, elle est
pourtant d'une richesse extraordinaire! Il s'agit en effet des épousailles
mystiques de Dieu avec l'humanité, c'est l'union du Christ avec l’Église, les
épousailles du Créateur avec sa créature, et de Dieu avec chaque homme, avec
chacun d'entre nous.
Marie,
l’Épouse avec un grand E, Marie le « reste
d'Israël » comme le disent les écritures, Marie va faire ouvrir la
manifestation publique de son Fils, petit détail ? Miracle insignifiant ?
Marie se manifeste comme la grande médiatrice qui intercède, la Mère des
Vivants, la nouvelle Ève, « Terre
Mère et matrice d'une humanité nouvelle par le fait qu'elle engendre le Christ
à sa vie publique et les disciples à l'attitude fondamentale : faites tout ce
qu'il vous dira ! ». Oui, c'est un petit geste insignifiant du
quotidien lorsque l'on dit : « remplissez
ces jarres d'eau ». Mais par ce simple geste Il va verser des fleuves
d'eau vive, la grâce de son Amour.
Comme
le dit le Père Pascal : « mais avant
qu'elle ne soit vive, cette eau, qui symbolise notre quotidien, est incolore,
inodore, sans saveur : elle est plate ! Selon l'approche qu'on en a, elle en
reste là où devient matricielle, contenant le germe de toute vie, capable d'une
prodigieuse transformation.
Les jarres, elles, sont au nombre
de six, chiffre qui signifie également le quotidien dans la Bible, l'horizontal.
Le Christ, disent les Pères de l’Église, est la septième jarre, la dimension
verticale, l'éternité dans le temps, à l'intérieur même du quotidien. Et les
jarres vides, symboles du vide de soi et des choses, appellent la plénitude du
Christ, qui donne par sa présente profondeur à tous, jusqu'au geste le plus
simple.
Par
cette présence de plénitude, l'eau devient le vin qui annonce l'ivresse
mystique. Le vin n'est pas comme l'eau, il a une saveur pétillante et ouvre les
temps messianiques annoncés par les prophètes jusqu'aux noces éternelles. ».
Cette
absence de vin à la fin du repas peut de paraître anecdotique. Mais, pas dans
le contexte du mariage hébraïque. Nous devons nous souvenir du rituel précis et
immuable des fêtes juives: l'accueil se fait par « l'ancien »,
ou le rabbin, qui offre la première coupe en signe de bienvenue. La célébration
peut commencer autour du repas. L'ancien rompt le pain et le donne aux
participants. Puis à la fin de la célébration il bénit la dernière coupe. C'est
la coupe de la bénédiction, symbole de la descente de la Présence Divine, de la
Shékina. Or à Cana, il n'y a plus de vin, donc pas de Bénédiction divine ! Dieu
sera absent dans la vie des mariés : c'est le malheur assuré ! L'essentiel est
absent ! Alors dans le vide ordinaire de ces six jarres, Jésus, Lui la septième
jarre, verse sa plénitude et l'eau se transforme en vie, en vie pétillante.
Rappelons-nous
également que dans toutes les célébrations liturgiques, celles-ci comportent un
rite très important lors de l'offertoire chez les Romains et lors de la préparation
des saints dons chez nous des orthodoxes : c'est la mixtion de l'eau au vin
dans le calice. Ce rite est nettement inspiré par l'Évangile de Saint-Jean, et
il représente la transfixion du Christ au Golgotha : « un des soldats transperça avec sa lance le côté du Seigneur et il en
sortit du sang et de l'eau ». La mémoire de ce fait est d'autant plus
significative que la coupe du calice symbolise le cœur. La transfixion et le
flux d'eau et de sang est un thème capital chez Saint-Jean qui revient dans une
épître : « Jésus est celui qui est venu
par l'eau et par le sang, non par l'eau seule, mais par l'eau et par le sang.
Et l'Esprit est celui qui témoigne que le Christ est la Vérité. Il y en a trois
qui témoignent sur terre : l'Esprit, l'Eau et le Sang, et ces trois sont
d'accord ».
La
prière lors de la mixtion se rapporte implicitement au miracle des noces de
Cana que seul Saint-Jean raconte : « O
Dieu qui a établi d'une manière admirable la dignité de la nature humaine, et
plus admirablement encore la renouveler, donne-nous selon le symbole de cette
eau et de ce vin de participer à ta divinité comme tu as daigné participer à
notre humanité. »
Ce
miracle signe d'avance toute la vie enseignante du Christ et le but même de son
enseignement et de sa manifestation terrestre : cette transmutation de l'eau en
vin est le signe de notre régénération. C'est la réintégration de notre
humanité purifiée (L’eau) dans la vie enivrante de la Vie spirituelle (Le vin).
C'est également la nouvelle voie offerte au premier Adam, homme déchu, qui lui
permet de devenir « Fils de Dieu ».
Comme
le dit Annick de Souzenelle : « Qanah est
un nom important. Il veut dire acquérir. À Qanah, par ce mariage, commence
l'acquisition totale des énergies non encore accomplies que symbolise la femme in
épousée... c'est le contrepoint du
meurtre que commet Qain en tuant son frère Abel et en répandant son sang sur la
terre… Par ce meurtre il donne la puissance à la terre, au cosmos extérieur. A
Cana, le vin extérieur vient à manquer mais le Christ apporte le vin nouveau.
Il est nécessaire à la réjouissance, symbole de la jouissance dans
l'acquisition du NOM.».
Le
Vin se transformera en Sang sur la croix et le Sang deviendra le Feu de la
Pentecôte. Ce sont les étapes de la transfiguration totale du quotidien par
l'Amour, auxquelles nous communions à chaque eucharistie. C'est la
transformation radicale de notre vie : le vin nouveau fait éclater nos « vieilles outres ». Le miracle de
Cana est donc la préfiguration de la Cène et de la Passion où s'accomplit la deuxième
face du mystère : le vin et l'eau, qui lui est mêlé, deviennent le Sang Divin,
véhicule de la Vie divine, dans la Vigne spirituelle. « Dans la matrice du tombeau, Christ célébrera les épousailles
universelles, où le Fils de l'Homme ouvrira son noyau, où le nouvel Adam,
versant l'eau et le sang de la blessure au côté, aura totalement accompli le
nom d'Adam et deviendra le NOM qu'Il est, et qu'alors Il révélera pleinement.
».
Puis
lors de la Pentecôte, le Sang se transformera en feu, en l’Esprit de feu qui
embrasera la terre, qui nous embrasera jusqu'à nos plus petits instants, jusqu'à
nos plus petits recoins, pour notre salut et le salut du monde.
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